Ça y est, l’été arrive à son terme, le moment de faire le point sur cette période traditionnellement riche en sorties rap de qualité.
21 Savage & Metro Boomin - Savage Mode
Avec Savage Mode, Metro Boomin a offert à 21 Savage un écrin d’une rare mélancolie et d’un calme étonnant pour le producteur d’Atlanta. Ses orgues étouffés, comme par un chiffon imbibé, ses flûtes fatiguées et ses rythmiques tout en retrait, abasourdies par un abus de codéine, sont le confessionnal idéal pour les sordides histoires de 21, susurrées de sa voix de velours, mais néamoins tranchante comme un scalpel. Rarement la violence aura été plus sourde. De la musique à écouter seul, la nuit, pour devenir le dernier être humain en vie et sentir la terre s’arrêter de tourner. (Dirt Noze)
– 21 Savage & Metro Boomin - X (Feat. Future) [Prod. Metro Boomin & 21 Savage]
Bones – PaidProgramming2
Attendu comme l’Antéchrist, PaidProgramming deuxième du nom a globalement répondu aux attentes de ses fans. Bien que moins surprenant que sur le premier volet, Bones aka Elmo Kennedy O’Connor a livré une très bonne copie. Entre règlements de comptes avec ses ersatz (notamment les $uicideboy$ qui lui voleraient sa fan base), ses réflexions et ses habituelles introspections, Bones reste fidèle à lui-même tout au long de l’album. Entouré de ses compagnons de la Team SESH (Greaf, Drew The Architect, Vegard Veslelia, Drip-133, Hnrk, The Messiah), Elmo n’a pas hésité à convier d’autres producteurs à la fête afin de varier les plaisirs. C’est d’ailleurs sur l’instrumentale de Fleece qu’il réalise l’un des meilleurs morceaux de l’album, BlackMold où il adresse sournoisement un diss à Pouya. (KallMeTheDoctor)
– Bones – BlackMold [Prod. Fleece]
Bricc Baby Shitro - Nasty Dealer 2
Avec sa voix cassée, le jeune rappeur à la vie romanesque revient nous décrire la vie des vendeurs de briques sur des productions de qualité. Toujours bien entouré, ses flows prennent davantage d’assurance et l’autotune est mieux maîtrisée. Après un récent début de carrière déjà impressionnant, Bricc Baby Shitro continue de progresser et le niveau augmente à chaque nouvelle sortie, même si l’influence de ses aînés d’Atlanta se fait encore sentir. (Gho$tFrieza)
– Bricc Baby Shitro - Pull Up [Prod. C4]
Cousin Stizz - Monda
Beaucoup attendaient Cousin Stizz au tournant après l’excellent Suffolk County. Avec Monda, le MC de Boston revient mettre tout le monde d’accord. Moins incisif que son premier projet, plus long, Monda est aussi plus riche.
Stizz continue a balader son flow impeccable sur des productions léchées qui oscillent entre boom bap, et rythmiques 808 plus modernes. Il abandonne les samples granuleux sur plusieurs tracks et ça marche : associés à des productions plus modernes et plus minimalistes, son charisme et sa dextérité sont mis en avant (500 Horses). Il s’essaie même à l’autotune sur l’intéressant Million Things, et c’est loin d’être raté. De cette alliance entre univers a priori opposés, née une sorte de chaleur organique qui enveloppe le projet, un peu à la manière de la soultrap de Tree. Malgré un accueil du public et de la critique plutôt timide, peut-être dû à l’absence de tube comme Fresh Prince l’avait été sur son précédent projet, Monda confirme les capacités et l’oreille du Cousin Stizz. Aussi à l’aise sur sample soul qu’au rythme des snares 808, Cousin Stizz s’écoute tant avec les nostalgiques des années 1990 que les "internet kids" accros de la 808, et c’est une qualité assez rare aujourd’hui pour être soulignée. (D.Kleinfeld)
– Cousin Stizz - Gain Green
DJ Esco - Project E.T. (Esco Terrestrial) (Hosted By Future)
Pour ceux qui ne le connaissent pas, DJ Esco est le DJ attitré de Future et LE DJ star de la scène d’Atlanta. Les sets de DJ Esco à Magic City (l’un des strips clubs les plus prisé de la ville), déterminent la réussite commerciale ou non d’un morceau. Autant dire qu’Esco connait du monde, et ça se voit sur la tracklist du projet. De Drake à Juicy J en passant par les stars montantes Kodak Black, Nef The Pharaoh ou Lil Uzi Vert, et bien entendu son acolyte Future, le casting fait rêver. Coté production, Esco est crédité sur quasiment toutes les tracks, en collaboration avec les architectes du son d’Atlanta : Southside, Metro Boomin, Zaytoven ou Tarentino. Le projet, qui s’apparente à un album d’assemblage à la DJ Khaled, ne déçoit pas et montre l’intelligence de Esco dans le choix des collaborations entre artistes, le choix des instrumentaux et la structure de l’album. On ne s’ennuie pas une seconde. Des clubs bangers très efficaces (Super Dumb, Party pack), des morceaux dans l’air du temps (Too Much Sauce, Who) et surtout cette alchimie exceptionnelle qu’il partage avec Future, alchimie dont le point d’orgue est le magnifique Benjamin Burns qui clôture Project E.T.. (D.Kleinfeld)
– DJ Esco - Too much Sauce (Feat. Future & Lil Uzi Vert
Fabolous - Summer shoutout vol.2
Cette mixtape sortie début septembre clôture parfaitement l’été avec une recette qui a fait ses preuves : 13 titres entre réappropriation de morceaux existants (Sex with me de Rihanna, My shit de A Boogie, I’m going down de Mary J Blige, Check on Me de DJ Esco…) et titres originaux, le tout entre aspirations à l’élévation (« level up »), punchlines référencées et rengaines mélodiques narrant son rapport à la gent féminine. Le rappeur de NYC signe ici une suite logique au premier volume… en attendant un véritable album ? (Tis)
– Fabolous - My shit (Feat. A Boogie) [Prod. D Stackz]
Frank Ocean - Blonde
Impossible d’être passé à côté de l’événement musical du mois d’août avec la sortie de Blonde, le dernier album de Frank Ocean. Première réflexion cet album est bien à la hauteur des attentes. Chaque intonation de voix, chaque note, chaque émotion est pensée pour nous faire vivre une expérience musicale rare. Frank Ocean raconte toujours de belles histoires mais cette fois-ci il en est le personnage principal, un Homme aussi sincère que talentueux. Blonde est un album très loin des projets « fast food » écoutés et oubliés en moins d’un mois, ce projet mérite votre temps et il mérite de subsister. Il est certes encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact qu’il pourra avoir mais une chose est sûre : il influencera la nouvelle scène RnB pour le meilleur plus que pour le pire. (Oscar Courvoisier)
– Frank Ocean - White Ferrari
Gucci Mane - Everybody Looking
Tous les yeux étaient levés vers le Trap God pour son retour tant attendu. Accompagné de ses fidèles disciples Zaytoven et Mike WiLL Made-It, Gucci Mane écrit un nouveau chapitre de son histoire, nous racontant avec davantage d’introspection et de sagesse le nouveau personnage qu’il tente de (re)construire après trois ans passés en prison à gamberger sur une vie chaotique et des décisions irréfléchies. Un retour triomphant – à l’image du rappeur posant bras levés au ciel sur la pochette – qui pourrait enfin lui faire atteindre les plus hautes sphères, si ses démons ne le rattrapent pas avant. (Gho$tFrieza)
– Gucci Mane - No Sleep (Prod. Mike WiLL Made-It & Zaytoven)
Juicy J - Lit in Ceylon
Comme une carte postale postée depuis une plage sablonneuse, le cofondateur de la Three 6 Mafia signe ici une mixtape estivale appréciable (sans toutefois être extraordinaire) où l’on retrouve l’efficacité de son flow sur des productions trap signées majoritairement par TM88 & Tarentino (mention néanmoins spéciale au dernier titre, composé par Juicy J himself). 16 titres originaux, aucun invité, le tout à peine après l’album collaboratif TGOD Mafia - Rude Awakening : Jordan Michael Houston confirme ici sa productivité et désinvolture, un Bellini à la main. Le Sri Lanka, prochaine destination de vacances pour rappeurs ? (Tis)
– Juicy J - Road To Sri Lanka [Prod. Juicy J & Crazy Mike]
Key ! - Before I Scream
Avec Before I scream, le MC d’Atlanta nous gratifie d’une des plus belles cover de l’année et continue de faire ce qu’il fait de mieux à savoir synthétiser avec une précision chirurgicale les sonorités du moment. Entre ambiances sombres et violentes (38, See no Evil ft Skepta) à la 21 Savage et rap jovial à la Lil Yachty (New money, Nobody, Regular Guy..) Key ! réussit à varier son flow tout au long du projet pour dresser une sorte de portrait robot de la scène d’Atlanta en 2016. Rappeur hybride, FatManKey ! plane dans le ciel d’Atlanta tel un guerrier saiyan, cela sans se laisser aller au "syndrome du caméléon". Ol conserve en effet sa personnalité inquiétante et son flow spontané peut importe l’ambiance de la piste. Conçu comme une mise en bouche avant la sortie de son premier album, Serving Dreams, le projet s’éloigne encore un peu plus des ambiances de Two9 ou d’Awful Records (crews auxquels etait affillié le MC d’Atlanta auparavant). Key ! vole désormais de ses propres ailes, et sa musique s’en porte mieux que jamais. (D.Kleinfeld)
– Key ! - 38 Hot
Lil Yachty - Summer Songs 2
N’en déplaise aux puristes, Lil Boat continue son épopée survitaminée avec son second projet de l’année Summer Songs 2. Fort de l’engouement qui l’entoure depuis le début de l’année, le petit bateau continue d’explorer un monde multicolore et absurde et affirme plus que jamais son statut de figure de proue du "Soundcloud rap". Celui qui se faisait appeler RD est toujours aussi peu porté sur l’aspect technique de sa musique, le jeune ovni d’Atlanta raconte sa nouvelle vie de jeune riche insolent et continue de faire tomber des barrières en sondant les frontières du rap. Flow incongru, utilisation de l’autotune à outrance, mélodies redondantes : tout pourrait échouer... mais tout fonctionne.
Parce-que Lil Yachty a ce quelque-chose, ce flegme naturel et cette désinvolture unique qu’avait immédiatement compris Coach K, le grand manitou de la scène d’Atlanta et désormais manager du saltimbanque aux cheveux rouges. Comme pour narguer ses détracteurs, il ponctue cette mixtape d’une ballade pop "coldplayesque", avec So Many People. Tout le monde veut savoir comment Yachty fait pour être aussi cool, mais lui-même n’a pas la réponse. (D.Kleinfeld)
– Lil Yachty - So Many People
Polyester The Saint – American muscle
Digne héritier de l’héritage west coast, Polyester The Saint nous régale ici avec 13 titres à jouer dans une belle voiture les soirs de chaude nuits d’été. Côté invités, on appréciera les performances vocales de Dom Kennedy, G Perico, Jay 305 ou encore Krondon. Et côté producteurs, Hellagood, Cardo, Freshchuck, Doc Uno & Al B Smoov composent la bande-son parfaite de cette ride estivale. Fleurant bon les palmiers et les lunettes de soleil, ce 5e album (déjà !) se laisse savourer en mode repeat, bercé par les ballades mélodieuses et nonchalantes de l’angelino. (Tis)
– Polyester The Saint - Slide in (Feat. G Perico & Bad Lucc) [Prod. Cardo]
Project Pat - Street God 3
Le vétéran de Memphis revient avec ce qui est certainement le meilleur opus de la série des Street God. Avec un déroulé industriel, le rappeur égraine tous les lieux communs gangsta, posant son phrasé unique et ses flows maîtrisés avec une aisance déconcertante sur des productions trap haut de gamme (principalement signées Zaytoven et YK808Mafia). Project Pat reprend donc sa formule habituelle de grosse artillerie, pour notre plus grand plaisir car il est difficile d’y résister et de s’en lasser. Et comme il le dit lui-même : "I’ll Never Change". (Gho$tFrieza)
– Project Pat - I Got Strong (Feat. Young Dolph) [Prod. YK808Mafia]
Rae Sremmurd - Sremmlife 2
Les deux frères du Mississippi reviennent avec un deuxième album aussi frais et énergique que leur précédent. Toujours sous l’aile de Mike WiLL Made-It, Sremmlife 2 ne déçoit pas sur son lot de bangers. Avec l’entraînant Black Beatles, Swae Lee et Slim Jimmi offrent un parfait retour à Gucci Mane, et font exploser le potentiel party sur Shake It Fast en featuring avec Juicy J. Le projet possède aussi son côté introspectif avec Came A Long Way et sa production mélodieuse à souhait. Sur cet album, les Rae Sremmurd continuent donc à exploiter une formule qui fonctionne très bien, idéale pour faire la fête sans réfléchir. (George de la Maille)
– Rae Sremmurd - Black Beatles (Feat. Gucci Mane) (Prod. Mike WiLL Made-It)
Shy Glizzy - Young Jefe 2
Discret depuis sa K7 For Trappers Only avec Zaytoven sortie en septembre 2015, Shy Glizzy fait un retour remarqué avec un album plein de férocité contenue et d’émotions animées (Lire la chronique). (Jocelyn Anglemort)
– Shy Glizzy - How It Go [Prod. Childish Major]
ScHoolboy Q – Blank Face
Le trublion de Top Dawg Entertainment a sorti cet été un de ses meilleurs albums au travers de 18 titres intransigeants. Malgré une myriade de producteurs de qualité (parmi lesquels Swizz Beats, Cardo, Alchemist, Metro Boomin, DJ Dahi, Tyler The Creator...) et de très nombreux invités (allant de E-40 à Anderson .Paak en passant par Tha Dogg Pound, Kanye West, Vince Staples et quelques courtes apparitions de Kendrick), -et il resterait à évoquer une multitude de collaborateurs supplémentaires, notamment les différents musiciens sollicités venant compléter le tableau- le membre du Black Hippy Crew signe ici un ensemble cohérent et travaillé s’inscrivant dans la lignée des classiques californiens. Résolument ancré dans la réalité, cet album se montre aussi plus mâture entre réflexions sur son passé, le monde qui l’entoure et son succès rencontré. (Tis)
– ScHoolboy Q - By any means [Prod. Cardo & Yex]
Young Thug - Jeffery
Après une période en demi-teinte pour Young Thug, où le succès critique de Barter 6 a laissé place à une série de mixtapes plutôt décevantes et la promesse d’un album toujours repoussé, Jeffery Williams, puisqu’il faut désormais l’appeler par son nom de baptême, nous propose enfin un projet digne de ce nom, où rien n’est à jeter. Continuant sa mue pop, le rappeur décevra peut-être les nostalgiques de la folie trap qu’était 1017 Thug. Mais si d’un côté le très bon Wyclef Jean et sa rythmique reggae nous fait carrément penser à du Sting, de l’autre, l’incroyable Harambe est là pour nous rappeler que l’ex jeune voyou peux toujours lâcher ses tripes sur l’instrumentale. (Dirt Noze)
– Young Thug - Harambe [Prod. Billboard Hitmakers]
Écouter la sélection :
Les autres sorties notables de l’été 2016 (par ordre de sortie) :
- PeeWee Longway - Money, Pounds, Ammunition 3
- Kodak Black - Lil B.I.G. Pac
- YG - Still Brazy
- GhosteMane - Black Mage
- Smug Mang - Fuck Yo Wave
- Maxo Kream - The Persona Tape
- Fat Trel - SDMG 2
- Rich The Kid - Rich Forever 2
- Migos - 3 Way
- Z-Ro - Drankin & Drivin
- Young Buck - 10 Bodies
- Black Kray - Working Out da Mud
- Jeremih - Late Nights : Europe
- DJ Smokey - Codein Demonz Vol. 2
- Zaytoven - Where Would the Game Be Without Me
- $uicideboy$ - Radical $uicide
- Hoodrich Pablo Juan x Drug Rixh Peso - MONY PWR RSPT
- Lil Trav - Trav Goku
- Starlito - Red Dot Free
- Rome Fortune - VVORLDVVIDE PIMPSATION
- Mitchy Slick - Lost in the Yay
- Nao - For All We Know
- Divine Council - Council World
- Lil Uzi Vert - The Perfect Luv Tape
- Jesse Boykins III - Bartholomew
- 2 Chainz - Daniel Son : Necklace Don
- Slim Thug - Hogg Life 4
- Young Nudy - Slime Ball
- MC Tree x I.B.CLASSIC - I.B.Tree
- Troy Ave - Roland Collins
- KA - Honor Killed the Samurai
- DJ Paul - Mafia 4 Life
- Hoodrich Pablo Juan - Master Sensei
- Corner Boy P - Clientele
- Nipsey Hussle - Slauson Boy 2
- Chxpo x Kirb La Goop - 900 Thouxan
- June x Mozzy - Gang Related Siblings
- Adamn Killa x DP Beats - Mr 650
- Tory Lanez - I Told You
- Master P - The G Mixtape
- Gucci Mane x Zaytoven - GuccTiggy
- Lil Bibby - Big Buckz
- Travis Scott - Birds in the Trap Sing McKnight
- Young Dolph - Rich Crack Baby
- Skippa Da Flippa - I’m Tellin Ya
- Nef The Pharaoh - Fresh Outta Space 3
- Philthy Rich x Mozzy - Political Ties
- Isaiah Rashad - The Sun’s Tirade
- French Montana - MC4
Cover : Dirty Noze