Pour donner suite à son excellente mixtape "Young Jefe" sortie en 2014, l’extravagant-quoi-que-timide rappeur de DMV revient plus flexible que jamais. 12 titres en solitaire, ambiance piano-bar sous influence trap, où l’on croise tout de même quelques fantômes aux comptoirs.
« Who the realest ? »
C’est par ces mots que s’ouvre et se termine Youg Jefe 2, le nouveau projet de Shy Glizzy. Plus qu’un simple thème, cette recherche de l’authenticité vire à l’obsession tant le rappeur s’efforce de prouver sa loyauté envers ceux qui l’accompagnent depuis le tout début.
Problème : Comment rester fidèle envers son gang lorsque les dollars du rap commencent à pleuvoir ? Cette question, Glizzy y répond à travers sa nostalgie pour les rappeurs OG, ceux proches de la rue et fiers de leurs racines. Ils citent ainsi les zouaves de chez No Limit (Soulja Slim, C-Murder & Master P) ou, dans un registre plus moderne, le tragiquement disparu Bankroll Fresh et Mozzy, le charismatique rappeur de Sacramento. Nouveau riche, Glizzy garde pourtant le corps cimenté à son hood, conscient que si le rap ne paye plus, le dope game saura de nouveau l’accueillir.
Autre moyen pour rester authentique : la méfiance. Que ce soit envers les croqueuses de diamants, les amitiés trop rapidement nouées et, de manière générale, tout ce que l’argent peut attirer comme vautours. Une philosophie confirmée par C-Murder lors d’un interlude où celui-ci nous met en garde contre tous les « fake niggers » que l’on trouve en trop grand nombre dans le rap comme à Angola, le pénitencier où il passe ses journées depuis son incarcération pour meurtre en 2009.
Ce souci de sincérité comme fil rouge, associé à une narration soignée et un choix de beats hyper pertinent, donne une vraie cohérence au projet. A la production, on retrouve notamment les trappeurs d’Atlanta : Zaytoven, Childish Major et Trauma Tone, absorbés par la mélodie et volontairement en retrait pour laisser tout l’espace au rappeur ; celui-ci s’en saisissant sans sourciller à grands renforts de refrains taille XXL.
L’une des grandes forces de Glizzy c’est sa grande facilité à mélanger rap, spoken word et chant, en faisant l’un des rappeurs les plus distinctifs et aventureux du moment. Avec sa voix tremblante de crooner chétif, Glizzy se glisse dans la peau d’un Dean Martin moderne, se faufilant entre les notes, bourbon à la main. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter une oreille au morceau Ride 4 U et ses cordes tout droit tirées d’un mariage mafieux.
Malgré l’absence de singles de la puissance de ses tubes précédents "Awwsome" ou "Funeral", le XXL Freshman 2015 livre son projet le mieux réalisé. Un album qui ne lui fera sans doute pas rencontrer le succès critique (Vince Staples) ou commercial (Fetty Wap) de ses acolytes, mais largement de quoi nous faire patienter en attendant que son tour vienne.
That bando got pianos, come and let the bands go
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