Houston : Dirty South
Houston, est-ce que vous me recevez ?
, le 22 octobre 2018
Pour bien débuter ce dossier spécial Houston, la rédaction vous propose cette sélection subjective de morceaux 100% H-Town. Des titres qui nous semblent représentatifs de cette scène si foisonnante.
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5th Ward Boyz - Concrete Hell (Prod. 5th Ward Boyz & Mike Dean)
Rated G, 1995
Prenez 3 rappeurs bavards comme Andre "007" Barnes, Eric "E-Rock" Taylor et Richard "Lo Life" Nash, ajoutez le sorcier Mike Dean à la production, saupoudrez d’influences telles que N.W.A, Ice-T et leurs mentors de l’empire Rap-A-Lot Records, The Geto Boys, et vous obtenez 5th Ward Boy et son gangsta funk brutal et tranchant. Car malgré son aspect wavy avec ce petit riff de guitare à faire pâlir d’envie Harry Fraud, Concrete Hell (tiré de leur 3ème album Rated G sorti en 1995) propose une plongée dans l’univers carcéral comme extension jusqu’au-boutiste de la vie dans le Fifth Ward, ghetto situé au Nord de Houston. Conté à la première personne, le morceau puise dans les souvenirs de Lo Life, ayant lui-même fait l’expérience de la geôle pour trafic de coke quelques années auparavant, pour délivrer une analyse clinique de la vie derrière les barreaux. (Anglemort)
Al-D - Lost in The Hood (Prod. DJ Screw)
Home For The Free, 1995
Si ce morceau est resté relativement confidentiel, la boucle lancinante qui compose le corps du beat de DJ Screw est entrée, elle, au panthéon du rap sudiste puisqu’on la retrouve samplée sur pas moins de 4 titres du mythique 3 ’n the Mornin’ (Part Two) de ce même Robert Earl Davis (et accessoirement frère de Al-D). S’il n’est pas l’album le plus marquant de la galaxie Screwed Up Click, Home of the Free demeure un très bon projet au goût amer, notamment en raison de sa cover estampillée "Pen & Pixel" annonciatrice de l’hécatombe qui touchera le crew par la suite. "We chose the wrong thing to deal with". (Anglemort)
Beatking - Houston 3 AM Freestyle (Prod. Beatking)
Houston 3 AM, 2015
En voilà bien un qui continue de perpétuer l’héritage sonore de Houston et de revendiquer fièrement ses racines sudistes ! Tonnes de samples, fascination pour les strip clubs, humour régressif... avec le Club Godzilla le divertissement est total et l’amour pour le rap, réel. Particulièrement outrancier lorsqu’il s’agit de faire sucer de longs concombres aux danseuses qui l’accompagnent sur scène, Beatking sait aussi se faire bienveillant en s’assurant que tout le monde est bien rentré chez soi après le show. Une fois cela fait, lui s’en ira enregistrer quelques freestyles en solitaire, à l’image de ce Houston 3 AM qui mélange pêle-mêle Still Tippin’ de Mike Jones, You’re a Customer de EPMD, Cell Therapy de Goodie Mob et I’m On Fire de Mystikal. (Anglemort)
Big Moe - Just A Dog (Prod. Noke D)
Moe Life…, 2003
L’écoute d’un titre de la Screwed Up Click évoque une certaine idée de la résilience puisqu’elle fait automatiquement apparaitre quelques fantômes dans la pièce. Fat Pat s’est mangé la balle de trop en 1998 et son frère Big Hawk lui a malheureusement emboité le pas en 2008. Dj Screw a également cassé sa pipe le 16 novembre 2000, pour avoir un peu trop siroté. Comme Big Moe d’ailleurs, qui lui s’est éteint en 2007, laissant sur son passage quelques pépites dont les biens nommés Ciry of Syrup (2000) et Moe Life… (2003).
A l’instar de la petite qu’il courtise dans le club, comment ne pas être fasciné par l’interprétation du Barre Baby sur ce Just a Dog et son refrain incroyablement accrocheur ? Liqueur violacée sur la piste en son honneur, pour toujours. (Anglemort)
Bushwick Bill – Only God Knows (Prod. Mad CJ Mac)
Phantom of The Rapra, 1995
Le Geto Boy de petite taille sort son deuxième album solo en 1995, porté par le single Who’s the Biggest. Sur la face B du maxi se trouve ce titre, Only God Knows, qui sample le Walk On By d’Isaac Hayes, dans une atmosphère faussement laid back. Dès le début, de belles sirènes aiguës nous font croire qu’on va se laisser emporter dans une ambiance cool californienne, mais c’est plutôt l‘inverse qui se produit : en réalité, Bill se pose beaucoup de questions, entre deux gros joints d’herbe, à propos de sa vie triste et désespérante, et de l’issue que le sort lui réserve. (Tibo)
Chamillionaire - Void in My Life (Prod. Twinz)
The Sound Of Revenge, 2005
They see me rollin…. Novembre 2005, la Terre entière se prend le pare-chocs avant de Chamillionaire dans le museau avec le succès inattendu du titre Ridin’ Dirty (feat. Krayzie Bone). Pourtant, cela serait se méprendre que de le considérer comme un simple one hit wonder. Faisant suite aux excellents projets Get Ya Mind Correct (2002) et Controversy Sells avec Paul Wall (2005), The Sound Of Revenge (2005) reste son plusgrand fait d’armes, d’une part grâce au tube Ridin’ et son potentiel « mème Internet » indiscutable, mais aussi en raison des autres petites pépites qu’il contient, malheureusement un poil phagocytées par le succès du single suscité, à l’image de ce Void In My Life très addictif. (Anglemort)
DJ Screw - June 27th freestyle (Prod. DJ Screw)
Chapter 012 : June 27th, 1996
Le 27 juin est devenue une date culte à Houston, au point que certaines personnes ont réclamé que ce jour soit férié. Ce jour de 1996, le rappeur Big DeMo fête son anniversaire et cette célébration va alors donner lieu à l’enregistrement d’un freestyle de plus de 35 minutes regroupant plusieurs membres de la Screwed Up Click dont le DeMo en question mais aussi Big Moe, Big Pokey, Bird, Haircut Joe, K-Luv, Key-C, Yungstar… le tout porté sur un instrumental de Da streets ain’t right du groupe Kris Kross usiné façon screw par le regretté Robert Earl Davis Jr. Ce freestyle sorti sur la cassette June 27th, deviendra ainsi un titre historique, instaurant par la même le style iconique de DJ Screw comme une part de la culture houstonienne. A noter que de nombreux artistes de Houston lui rendront hommage comme ce tribute qui lui du 27 juin 2011 par la nouvelle garde de Houston dont LE$, Propain, H-Kane, Marcus Manchild, Delo et Kirko Bangz. (Tis)
Geto Boys - Still (Prod. N.O. Joe)
The Resurrection, 1996
"DIE MUTHAFUCKAS ! DIE MUTHAFUCKAS !". C’est avec grand fracas que les Geto Boys annoncent leur retour en 1996. Retour du trio originel. En effet, sur le précèdent album ’Til Death Do Us Part, Willie D avait été remplacé par le voisin louisianais Big Mike. Une envie de carrière solo... Bref, c’est donc trois ans plus tard que paraît The Resurrection. Une courte conversation téléphonique entre Larry Hoover et J. Prince (!) en guise d’intro et arrive ce Still. La violence. La prod. de N.O. Joe est une vraie fournaise, et les trois rappeurs sont impitoyables. Une pure frénésie émane de ce son. A noter les premières mesures de Willie D, histoire de bien fêter son retour : "Back up in your ass with The Resurrection". Si avec tout ça vous n’êtes pas conquis... (Crem)
K-Rino feat. H.A.W.K, Lil’ Flea, Point Blank - Fear No Evil (Prod. K-Rino)
Fear No Evil, 2004
"K-Rino est un emcee tout à fait ténébreux, marginal, qui va s’employer tout au long de sa fructueuse carrière à nager à contre courant des tendances mainstream de H-Town [...]". Dans son bouquin de référence, Gangsta Gumbo, J-P Labarthe résume parfaitement l’oeuvre très sombre de K-Rino où l’on retrouve des thèmes chers aux rappeurs de Memphis : violence, paranoïa, mort omniprésente, le tout ponctué d’une bonne dose de spiritisme. Sur Fear No Evil, l’ambiance est donc tendue, alerte, avec un sentiment d’angoisse que vient renforcer une piste de piano aiguë et véloce toute droit sortie d’une B.O de John Carpenter. (Anglemort)
Kirko Bangz - Drank In My Cup (Prod. Sound M.O.B.)
Progression 2 : A Young Texas Playa, 2012
Publié en 2011 pour teaser la sortie de Progression 2 : A Young Texas Playa, Kirk Jerel Randle (de son vrai nom) a affolé la toile avec ce tube interplanétaire. Il fut remélangé, haché, vissé et repris dans tous les sens par 2 Chainz, Juelz Santana, Maggie Carrie, Slim K et bien d’autres. Pas mal pour un premier hit. Certes, il a peiné à rester sur le devant de la scène. Normal vu à quel point ce milieu est compétitif. Une chose est sûre, Kirko Bangz c’est comme Nickelback : qu’on l’aime ou qu’on le déteste,on l’a TOUS écouté au moins une fois dans notre vie. (KallMeTheDoctor)
Lil Flip feat. Mike Jones - White Cup (Prod. Shorty P & Lil Flip)
I Need Mine $$, 2006
Presque oublié parmi toutes ces légendes, Lil Flip a lui aussi connu les heures de gloire du rap made in Houston. Affilié à la S.U.C (Screwed Up Click) pendant sa jeunesse, il a aussi explosé nationalement dans le milieu des années 2000. Fliparaci a quelques grands albums à son palmarès. Underground Legend, le double album I Need Mine, et le plus connu U Gotta Feel Me. Un projet qui ira même jusqu’à traverser l’Atlantique pour atterrir sur les ondes de Skyrock avec le single Sunshine. Technicien et lyriciste de mérite, l’autoproclamé Number 1 Fly Boy a marqué toute une génération d’aficionados, ouvrant l’auditeur au lifestyle du divin Lone Star State : sirop, coupe blanche, candy paint, grillz et filles faciles.
PS : L’auteur de ces lignes ayant lui-même découvert le Chopped & Screwed grâce au morceau Drugz. (Mugen)
Maxo Kream - Trigga Maxo (Prod. Christian Lou & RayAyy)
Maxo 187, 2015
Maxo la gâchette enc*leur de mamans. C’est inquiétant comme une ruelle de Forum Park remplie d’enc*leurs de mamans. Tous outillés comme des enc*leurs de mamans. Une boucle de piano, un charley, une caisse claire et un kick qui débarque en plein milieu du titre. Une atmosphère malsaine se dégage de cette prod. Deux minutes pesantes et menaçantes qui ont permis à Maxo Kream de se faire connaître à un plus grand nombre. Car après deux mixtapes, c’est définitivement avec ce projet que le rappeur est considéré comme la relève de H-Town. Le discours est ténébreux et explicite. Enc*leur de mamans le bandana est bleu ici. Southwest Houston territoire Crips. Froid comme le sang d’un vrai enc*leur de mamans. (Crem)
Mike Jones feat. Slim Thug & Paul Wall - Still Tippin’ (Prod. Salih Williams)
Who is Mike Jones, 2005
Que dire ici ? Tout a déjà été dit et écrit sur ce titre. La première version produite par Bigg Tyme apparaît en début d’année sur une compilation Rap-A-Lot, et c’est initialement Chamillionaire qui posait avec Mike Jones et Slim Thug. Mais c’est définitivement cette deuxième mouture qui fait que toutes le têtes se tournent vers Houston fin 2004. L’empire Swishahouse peut commencer à mondialement s’étendre... Already Platinium, Who is Mike Jones ? et The Peoples Champ sortiront tous en 2005... (Crem)
Paul Wall feat. Big Pokey - Sittin’ Sidewayz (Prod. Salih Williams)
The Peoples Champ, 2005
Une boucle hypnotique, une caisse claire qui claque et surtout cette basse... Accompagné de Big Pokey de la Screwed Up Click, Paul Wall livre un modèle de ridin’ music. Et à l’écoute on a aucune peine à s’imaginer en plein milieu d’un défilé de Chevy, Cadillac et Lincoln multicolores. Candy paint, évidemment. Ici on roule lent et bas, et on peut être sur qu’à l’arrière les mecs de Yella sont équipés. (Crem)
Scarface - Money and The Power (Prod. Crazy C & Scarface)
Mr. Scarface is Back, 1991
Quand on mentionne Scarface le terme storytelling doit obligatoirement être évoqué. Ici c’est l’histoire d’une ascension et d’une chute. Rien d’exceptionnel : ambition, violence et deal, sur fond de sample de Barry White. Une quête d’argent et de pouvoir, avec comme seul moyen un des bizness les plus rapidement rentable quand on est issu des ghettos de Houston. Evidemment l’histoire est inspirée de faits réels. Evidemment l’histoire finit mal. "Hehehehehe.. I guess the juices are sour..." (Crem)
Scarface - Now I Feel Ya (Prod. John Bido & James Smith)
The World is Yours, 1993
Titre marquant dans le répertoire de Scarface, Now I Feel Ya est un classique. Sept minutes et trente secondes de pure réalité, quand d’autres s’éssouflent et fatiguent l’auditeur dès les premières mesures... Ce condensé de vingt trois années d’existence est un modèle du genre. L’histoire d’une vie, entre naissances et morts. La mort d’amis qui ont fait des mauvais choix, et l’espoir qui renaît dans la paternité. Histoires de familles, histoires de rue... "Ya feel me ?"(Crem)
Slim Thug feat. Boss Hogg Outlawz - Recognize A Playa (Prod. Mr Lee)
Serve & Collect, 2007
Ces cuivres chinés chez O.V. Wright, ce Slim Thug de gala, ce refrain usiné pour réveiller le voisinage et fumer l’asphalte... difficile de résister à la puissance de ce Recognize A Playa ! Un morceau qui crée une envie irrépressible de tout claquer en berlines de luxe, effeuilleuses aux formes généreuses, sape XXXL et parures clinquantes. Un putain de tube, en somme. (Anglemort)
Z-Ro - 25 lighters (Prod. Z-Ro)
Crack, 2008
Tâche ingrate que de ne garder qu’un seul titre de l’insondable et délicieuse discographie de Z-Ro. Parlons plutôt d’une performance alors, avec 25 Lighters , un freestyle de 9mn à la voix dépitchée, produit par lui-même et renvoyant directement au classique éponyme de DJ DMD, Lil Keke et Fat Pat (1998). Avec ce morceau fleuve et comme le rappelle celui qui suit sur l’album, Joseph Wayne McVey « paid his dues » et multiplie les références et hommages à ses pairs, la Screwed Up Click évidemment, mais aussi UGK ou le groupe local Street Military.
En plus d’être un chanteur de la trempe d’un Nate Dogg, 25 lighters est une preuve parmi tant d’autres que Z-Ro mérite aussi sa place au panthéon des rappeurs les plus doués des années 2000 : "My flow is real cold I ain’t never been wack / And thanks to Bun B and Pimp C I got two gold plaques". (Anglemort)
Artwork : Dirty Noze