Cet été 2017 a été marqué par de nombreuses sorties. Si certaines étaient très attendues, d’autres passées sous le radar, les crocos de Swampdiggers n’ont pas manqué de tout dévorer et vous recrachent les meilleurs morceaux.
Al Divino – Dump Gawd : Divino Edition
Pour son premier album, ce rappeur/producteur proche de Tha God Fahim, Mach-Hommy et Griselda records, s’inscrit dans la lignée des Dump Gawd. Soit un album vendu hors de prix sur Bandcamp (moins cher que d’autres tout de même). Pour ce projet aux titres plutôt courts, le rappeur a eut le bon goût d’aller chercher ses prods ailleurs, notamment chez cette nouvelle génération de producteurs de boom bap crépusculaire comme Camoflauge Monk, Thelonius Martin ou SadhuGold. Ainsi, de sa grosse voix rocailleuse, Al Divino lâche ses textes d’inspiration mafieuse sur des instrumentales aux ambiances soul et jazz toutes droit sorties des films les plus noirs. (Dirt Noze)
– Track : Benel Vinci Barrel
Berner & Young Dolph - Tracking Numbers
Le nom de Berner est bien connu dans la Bay Area. A la fois producteur, entrepreneur, et maintenant affilié au Taylor Gang, le bonhomme s’est bâti une solide réputation. Après avoir sorti récemment un EP avec Styles P, c’est avec Young Dolph qu’il a décidé de collaborer sur Tracking Numbers : un hommage.
Un EP de 8 titres, généreusement garni de featurings prestigieux, qui sont venus en s’appliquant : OJ Da Juiceman, Project Pat, Gucci Mane, Juicy J, Philthy Rich, Peewee Longway et Wiz Khalifa. L’ensemble étant produit avec grand soin, il serait dommage de s’en priver. Le projet idéal pour les atmosphères estivales embrumées ou les trajets en voiture précédents une transaction illégale. (Mugen le Druide)
– Track : Die Young Feat. Peewee Longway
Gunplay - The Fix Tape
Alors qu’il doit sortir son album Haram cette rentrée, Gunplay nous balance The Fix Tape comme un sachet de coke mal coupé. Chutes de studio, morceaux incomplets et refrains peu recherchés, le représentant de Carol City nous avait habitué à une meilleure éthique de travail. Pourtant ce côté brut et peut-être plus spontané réussi parfaitement sa mission. Sur des instrumentales agressives qui sont à la fois la poudre et l’allumette, Gunplay n’a jamais été aussi accessible. On retiendra particulièrement Can I Bring My Gun et Nightmare Now. Violent et sans concession, le rappeur est plus concentré que jamais et a enfin trouvé la bonne formule pour accrocher ses consommateurs du début à la fin d’un projet. (George de la Maille)
– Track : Can I Bring My Gun
LADROGALAB - LADROMEMPHIS
Membre affilié au Quimica Code, le rappeur Pedro LaDroga s’est entouré cet été d’une nouvelle équipe (Nerbi, ac1dop et BloodyShao) pour un projet complètement bordélique en hommage à la scène rap de Memphis. Des titres de chansons aux différents artworks en passant par les empilements de couches sur FL Studio, leurs expérimentations renvoient aux bidouillages du Raider Klan mélangés aux délires des nouveaux phonkeurs de soundcloud dont on a l’habitude de parler chez Swampdiggers. Au programme : découverte des différents effets des logiciels, screwed & chopped jusqu’à la convulsion ou, au contraire, accélération de tout ce qu’on trouve dans la banque de samples (dont un Bronski Beat joyeusement souillé). Si vous vous demandez à quoi peut bien ressembler un hommage à Tommy Wright chanté en espagnol et sous autotune, l’expérience est chaudement recommandée. (Jocelyn Anglemort)
Lil Peep - Come Over When You’re Sober (Part One)
Comme on pouvait s’y attendre le premier album officiel de Lil Peep lorgne vers la pop et est bien trop lisse pour nous satisfaire pleinement. Les prods de Smokeasac et IVIVIVI, très proprettes et d’inspiration rock FM et la présence de Rob Cavallo, le producteur de Green Day, derrière la console n’y sont certainement pas pour rien. On attend donc la suite, en espérant que le petit Peep aura le temps, entre deux défilés, de recontacter ses anciens amis pour sortir quelques EP plus inspirés. Une poignée de titres avec Nedarb Nagrom traineraient d’ailleurs dans les disques durs selon ce dernier. Avant de tout jeter on mettra tout de même de côté les trois titres aux mélodies particulièrement entêtantes que sont Benz Truck, Save That Shit et The Brightside. (Dirt Noze)
– Track : The Brightside
Lil Wop - Wopavelli 2
Sur Wopavelli 2, le fils spirituel autoproclamé de Guwop, n’en fini plus de déclamer ses vers à l’absurdité assumée avec son flow guttural à la rythmique métronomique, à la répétitive proche de l’hypnose et aux adlibs de zombies. Les instrumentales, bruyantes et violentes plus que véritablement énergiques, semblent avoir été concoctées au petit matin, dans un hangar désaffecté, à partir de la sueur des ravers épuisés. Toujours pas prêt de tuer le père, le petit Wop n’est cependant pas une simple copie de son paternel et s’il s’inscrit clairement dans sa lignée, formellement il va plus loin dans l’expérimentation.
Gucci Mane ne s’y est pas trompé en le signant sur son label. (Dirt Noze)
– Track : No Heart
Mackned & Lil Tracy - Hollywood High EP
Si le Come Over When You’re Sober de Lil Peep a suscité de nombreuses déceptions - bien trop balisé et pas suffisamment aventureux – ce Hollywood High renoue avec les fondamentaux du style “Gothboiclique”, une musique naïve, pleine de candeur et de “spleen” adolescent. Bien qu’ils évoluent dans des registres plutôt différents habituellement, l’entente entre les deux rappeurs fonctionne ici parfaitement. Mackned fait découvrir sa collection de CD rock à Tracy sur Higher Than Me, Gothboiclique, et Roll Call, et en échange, celui-ci l’initie au mumble rap post-Chief Keef sur I’m Fucked et Twins. La mixtape de deux lycéens qui se retrouvent après les cours pour se raconter leurs peines de cœur en gobant quelques pilules. (Jocelyn Anglemort)
– Track : Gothboiclique
NBA YoungBoy - A.I. YoungBoy
Mineur en France et encore plus loin de la majorité américaine, NBA YoungBoy se rapproche pourtant de plus en plus de la réussite. Sur AI Youngboy morceaux introspectifs et énergiques s’enchaînent avec une cohérence artistique rare et met fin à la monotonie de ses flows. Le jeune rappeur a l’ignorance d’un goon de Louisiane prêt à tuer pour 20$, mais aussi comme le recul d’un vieux taulard qui vient de finir de purger ses 30 ans de prison, le tout sur des productions spatiales qui se prêtent parfaitement à la performance. Un projet qui confirme que, plus qu’un simple fils spirituel de Boosie, NBA YoungBoy a définitivement trouvé sa voie. (George de la Maille)
– Track : Graffiti
NxxxxxS - Remember Last Summer
Si comme nous, NxxxxxS vous invite à vous replonger dans l’été passé, le producteur français renvoie surtout l’auditeur au milieu des années 90 et plus précisément du côté de Houston auprès du légendaire DJ Screw (très bel hommage tout en squelette et en horlogerie sur l’artwork). Comme nos chouchous DJ Smokey et Soudiere, NxxxxxS possède ce don pour la découverte d’échantillons vocaux ou mélodiques - boostés à grands renforts de 808 - en provenance à la fois des abîmes de Youtube et d’œuvres cultes de l’histoire du rap. Autant d’associations aussi improbables que délicieuses à faire pâlir de jalousie les Meilleurs ouvriers de France, à l’image de cette rencontre entre 8Ball et une obscure vidéo intitulée Tornado Sirens in Downtown Chicago ! sur 100 Ways To Get Paid. (Jocelyn Anglemort)
– Track : 100 Ways To Get Paid
Tay-K - Santana World
Difficile d’avoir échappé au viral The Race cet été. Pourtant Tay-K n’a pas vu la lumière depuis fin juin, s’étant fait coincer le même jour que la sortie de son fameux clip. Risquant la peine capitale au Texas pour plusieurs meurtres, le jeune de 17 ans nous a malgré tout gâté d’une friandise musicale. Sur fond de musique enfantine et laid back, Tay-K ne cesse de proférer des menaces de mort avec plus ou moins de légèreté tout au long du projet. Un rapport à la violence constant qui l’amène même à entretenir une quasi-romance avec son arme sur I <3 My Choppa. Un contraste entre les productions et les paroles qui font de Santana World un petit ovni rafraîchissant, mais qui ne dépeint que la triste réalité d’une jeunesse foutue. FREE TAY-K (George de la Maille)
– Track : I <3 My Choppa
Trippie Redd - A Love Letter To You
Soundcloud permet décidément de fulgurantes ascensions : Trippie Redd en est sûrement un des exemples les plus récents. Le natif de Canton Ohio engrange les millions de vues avec son dernier projet en date : A Love Letter To You. La première fois qu’on entend la musique de Trippie, on est d’abord surpris par sa voix aiguë, ses intonations, mais aussi son sens de la mélodie. On pense évidemment à Lil Uzi Vert, parfois à Rae Sremmurd. Choix de productions habiles, visuels magnifiques : le jeune a le potentiel pour briller. Mais derrière ses airs de petit sauvageon, ce sont bien les ballades amoureuses comme Love Scars, Romeo & Juliet, Deeply Scared qu’on prend plaisir a réécouter inlassablement, de préférence bien accompagné…
(Mugen le Druide)
– Track : Romeo & Juliet
Trouble - 16 : A Collection
Le spadassin silencieux d’Atlanta, Trouble, nous donne un avant-goût de ses projets futurs. Aperçu aux côtés de Drake et Mike Will Made It, celui qui semble avoir échangé les hymnes de guerres agressifs pour les mélodies introspectives compte bien paver son avenir de diamants et de présidents morts. Avec 16 : A Collection, Trouble continue dans la même direction que son précédent projet Skoobzilla et s’entoure de piliers d’Atlanta tels que Peewee Longway, Skippa Da Flippa et T.I. pour enrichir les mélodies orchestrées par les savants C4 et Zaytoven. Toujours aussi prometteur, on croise les doigts pour que son supposé projet avec Mike Will soit aussi bon. (George de la Maille)
– Track : That’s My Dawg feat. Peewee Longway
Terrace Martin & The Pollyseeds - The Sounds Of Crenshaw Vol. 1
Depuis une dizaine d’année, le producteur et musicien de talent Terrace Martin rayonne dans l’ombre sur la scène musicale californienne. Présent à la production depuis 2003 sur des titres de Snoop Dogg, Warren G ou Kendrick Lamar, Terrace Martin n’a jamais oublié son premier amour, le jazz et son fameux saxophone. Sur ses différents projets et notamment sur le fantastique 3ChordFold, Terrace Martin s’attèle à rendre hommage à la musique qu’il aime à travers des productions mêlant jazz, soul et hip-hop. Pour The Sounds of Crenshaw Vol. 1, Terrace Martin a réuni une véritable dream team composé notamment de Kamasi Washington, Robert Glasper mais encore de Chachi Rose Gold ou Brandon Owens pour ne citer qu’eux. Il est impossible de définir précisément le style de ce projet tant il regroupe tous les goûts et les influences de Terrace Martin, du jazz au gospel en passant par la G-Funk. Cet album est à l’image du musicien, il ramène du perfectionnisme au spontané, de l’instrument au synthétique ainsi qu’un véritable amour pour la composition. Cet album n’en demeure pas moins accessible et cohérent. Un album intemporel comme peuvent l’être les albums des plus grandes inspirations jazz et soul de Terrace Martin. Il ne serait pas étonnant de voir ce projet nominé aux Grammy Awards dans les mois à venir.
(Oscar Courvoisier)
– Track : Feelings Of The World (feat. Chachi & Rose Gold)
Wifisfuneral - Boy Who Cried Wolf
Sans doute pas tout à fait rétabli de la rouste mémorable qu’il a reçu lors d’un show de Xxxtentacion à Houston, Wifisfuneral livre avec BWCW un projet moins abouti que son When Hell Falls de début d’année. Heureusement, au milieu de titres plus ou moins anecdotiques et de featurings obscurs, on retrouve quelques gros morceaux, notamment lorsqu’il demande au jeune prodige Pi’erre Bourne de pondre un beat additif pour 1st Day Out ou quand Wifi décide de passer la seconde pour de sales couplets sur ItTakes2ToTango, Grim Pt.2 et Eyez Low. Si le potentiel du bonhomme n’est pas à démontrer, on espère qu’il prendra le temps de fignoler davantage son travail lors de cette année scolaire. Et qu’il arrêtera de faire couler du liquide céphalo-rachidien de ses oreilles dans des bagarres plutôt moches. (Jocelyn Anglemort)
– Track : 1st Day Out
Young Sizzle - 808 Day EP
Après avoir passé des années en studio avec les plus grands artistes de cette décennie, le boss de la 808 Mafia, Southside, a compris qu’il n’était pas bien difficile de fabriquer un hit. A l’image de Sonny Digital, Southside n’hésite plus à passer derrière le micro. Après plusieurs essais de plus en plus convaincants, il revient cette fois avec un EP 4 titres, qui ne laisse plus de place aux tracks superflues. Même s’il ne propose rien de bien profond niveau lyrics, le producteur n’a rien à envier aux autres rappeurs niveau flow et glisse sur les productions de sa team. Bonus : le fiston de Southside a même le droit à sa chansonnette en fin de projet, Matt Ox n’a qu’a bien se tenir. (George de la Maille)
– Track : Drop Top Status
Xxxtentacion - 17
Xxxtentacion s’est principalement fait connaître pour ses démêlés avec la justice et ses morceaux ultra-violents, hurlés sur de grosses basses abrasives. Avec son premier album officiel, il a cependant décidé de jouer la carte emo avec une série de ballades folk-rock, resserrant ainsi encore un peu les liens que la nouvelle génération tisse entre rap et rock. Le plus souvent entièrement chantées, sans filtres, sur de simples accords de piano ou de guitares acoustiques (souvent les même diront les mauvaises langues), ses chansons transposent les faits divers qui ont fait sa renommé en ballades personnelles à la sensibilité à fleur de peau. (Dirt Noze)
– Track : Revenge
Illustration : Rimrimrim