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Focus

L’histoire de Pen & Pixel : Partie 2

Les secrets du célèbre studio graphique en 27 pochettes

Mickaël "Sinixta" Cather, le 10 juin

Deuxième partie du dossier l’Histoire de Pen and Pixel racontée par Mickaël "Sinixta" Cather. Il nous avait laissé, à la fin du précédent épisode, autour de l’année 1997, soit le moment où le studio se lance véritablement dans le bling bling à gogo sous l’impulsion des labels Cash Money et No Limit Records.

Lire la première partie du dossier

10. C-Murder - Life Or Death (1998) No Limit Records 

La cover de Life Or Death préfigure le destin tragique de C-Murder. Une jambe et une main rongées par la mort, avec un faucon funèbre couronnant le tout. Un serpent se prépare également à le plonger dans une mort des plus terribles. Malgré tout le mot "Life" s’illumine au feu d’un cigare dans la lumière et une bague étincelante marque un avenir radieux. Ce qui pour C s’apparentera plutôt à un voyage en train fantôme et l’album Trapped in Crime sera prophétique, on y voit le rappeur emprisonné. Cet album regorge de rage sombre. La voix d’outre-tombe de C s’y marie à merveille avec cet univers musical macabre. Cet album est le plus dark de la discographie No Limit et est également un bijou sans concessions. L’album Bossalinie sera beaucoup plus lumineux et diamanté. Il fera partie également des covers typiques de Pen and Pixel, brillant de mille pierres philosophales tombées d’une voiture des années 30.

Les albums Body Parts, de Prophet Posse, et Kamakazie Timez Up, de The Kaze, nous entraînent dans un univers à la fois mystique, avec le moine en cristal de Prophet Posse (super groupe composé des artistes signés sur Prophet Entertainment de Three 6 Mafia) et le côté apocalyptique avec un sablier d’os et de sang pour le groupe The Kaze (eux aussi de la galaxie Three 6 de Memphis). Ces 2 covers seront particulières car réalisées exceptionnellement en collaboration avec Blake Franklin guitariste et graphiste de Memphis travaillant pour Street Level Graphics et le label Select-O-Hits qui a distribué par le passé les release underground de Three 6 mais également la plupart des sorties des artistes de Memphis.


11. Big Bear - Doin Thangs (1998) Tru Game Records 

Big Bear est un ours se cachant dans les forêts de l’Omaha , Nebraska. Je plaisante... à demi. Cover représentant le rappeur géant, près de 2 mètres et 160 kilos, aux côté de deux ours qui sont en fait des miroirs de lui même, son corps ayant servi de modèle pour les ours. Une patte d’ours a été commandée dans un magasin d’accessoires de cinéma à Hollywood. Les poissons étaient nature et le lettrage en miel dégoulinant. Une des particularités de Pen and Pixel est que le style unique de lettrage est copyright et que sa recette est unique et secrète à l’image de Coca-Cola. C’est pourquoi Pen and Pixel n’a jamais pu être égalé mais souvent copié. L’album de Big Bear en lui même fait le job avec un son du midwest, comportant même un feat avec Luniz. cette cover est devenue iconique du style Pen and Pixel dans les années 2010 alors que cet album était totalement inconnu auparavant.


12. Geto Boys - Da Good , Da Bad & Da Ugly (1998) Rap A Lot Records 

Surfant sur la vague de No Limit avec leurs covers à succès, mais choisissant celles des plus sombres du Down South, les Geto Boys ne manquent pas à l’appel de la provocation avec cette cover. On y voit la population afro-américaine, très pauvre devant l’oncle Sam les saluant comme un bon samaritain derrière les grilles et la maison blanche. On peut y voir également un cracké blessé à la jambe à l’image de celui de Ghetto Dope de Master P. Cette cover représente bien le cauchemar américain en images realiste, et même surréaliste. Indo G, avec l’album Angel Dust, s’illustrera dans le même registre, où P&P s’exercera en représentant les monuments américains en flammes au côté d’un Uncle Sam. 

L’album contient un feat de Caine (l’acteur de Menace 2 Society) sur le morceau "Dawn 2 Dusk" en compagnie de DMG et Yukmouth. Un album devait sortir du nom de Menace World sur Rap A Lot avec une cover P&P que l’on peut voir dans les "covers coming soon" du livret (à l’image de No Limit) mais il n’est jamais sorti.

En 1998 sortiront 23 albums de No Limit avec les covers Pen and Pixel bien sûr.  

Se démarquera du lot le tonitruant Soulja Slim avec une cover explosive Give It 2 Em Raw, mais surtout l’incontournable Master P avec son album The Last Don, annoncé comme son dernier album, avec une croix rutilante de pierres philosophales et d’émeraude en guise de don et sonnant comme la fin de sa carrière. Mais il rebondira bien sûr avec Only God Can Judge Me avec une autre croix encore plus scintillante et rutilante. L’animateur radio Mean Green sortira une compilation avec le meilleur de No Limit, Major Players Compilation, en lettres d’émeraude conduisant une Rolls Royce elle aussi tout autant rutilante. 


13. Big Ballers - Big Ballers (1998) Big Baller Records & Films

Les rappeurs Frankie Baby et Kilo de Miami pour la compilation et le film auto produit Big Ballers (le I’m Bout It de Miami) iront eux aussi dans la surenchère Bling Bling de Moët & Chandon et de luxe à la française (le "Beaucoup Shit", expression New Orleanaise pour montrer la démesure du luxe français). Cette cover aussi, devenue iconique, était inconnue auparavant. Un détail qui semble humoristique au départ tranche dans le décor : un ananas, apparemment sorti de nulle part, mais qui est en fait un symbole subliminal (à l’image de Underground Railroad de Criminal Elament).

L’ananas est reconnu comme une expression traditionnelle de "bienvenue" dans tout le Deep South et dans les zones situées le long de la côte Est. Apparaissant sur toutes sortes de décorations – des heurtoirs de porte aux courtepointes – le fruit symbolise ces atouts immatériels que nous apprécions dans une maison : la chaleur, l’accueil, l’amitié et l’hospitalité.

Un des rares albums P&P de la Bay Area est celui du groupe de Sacramento, Straight Game Entertainment, From The Ground Up. Ce qui caractérise cet album est le magnifique dôme tout en or et diamanté d’un palais digne de la Tartarie et des plus belles expositions universelles. Je l’ai d’ailleurs utilisé comme couverture de notre page Facebook officielle de Pen and Pixel Graphics

1998 est le début également de l’ascension de Cash Money Records avec leur covers de plus en plus Bling Bling, malgré le côté encore train fantôme de Juvenile, Tha G- Code et le premier album de Lil Wayne, Tha Block Is Hot .

BG gagne le prix du Bling avec l’album Chopper City In The Ghetto où le champagne, voiture de luxe et une coupe du Graal en or ornent l’album. De son coté Yungstar de Screwed Up Click, sur Throwed Yung Playa, mangera des céréales en diamants pour petit déjeuner. Sur Checkmate, BG nous conte et nous fait compter ses multiples Rolex et diamants qui envahissent son paysage sabré au champagne. Baller Blockin le film made in Magnolia opte aussi pour une couverture poussive. Juvenile et son 400 Degreez fera date aussi dans l’esprit de beaucoup avec sa cover brûlante. 


14. DR Dooom - First Come, First Served (1999) Funky Ass Records

Un album se distinguera du reste en parodiant le style de P&P (tout en l’utilisant), et deviendra lui aussi un album iconique, mais pour le mauvais goût employé. Il s’agit de l’album First Come , First Served de Dr Dooom alias Kool Keith, l’extravagant rappeur du Bronx qui dit écouter Master P et Silkk The Shocker comme musique de relaxation. 

La cover de l’album représente le rappeur en crooner des années 1950, tenant entre les mains un hamburger à la viande de rat, des singes et des poubelles, ainsi qu’un insecte en gros plan. Cet album restera dans les annales de la provocation, digne du film Street Trash.

Un album qui est passé inaperçu est celui de Various, Big Dreams, ou l’on voit également un voiture de luxe, Rolex et diamants. Un luxe affiché sorti de l’imaginaire d’un homme dans l’ombre et l’insalubrité, un rat sur la tête. On distingue une poubelle au fond.

Un des Maîtres si ce n’est le créateur de l’horrorcore sortira lui aussi du bois hanté pour une couverture sanglante avec de la peau humaine et gravant le nom de l’album dans la chair : Psycho Thug de Ganxsta NIP.

Du côté No Limit, Mercedes se pavanera sur une Mercedes avec un sol en table d’émeraude tandis que Mr Serv-On pour Da Next Level optera pour le Relais et Châteaux et Lil Italy pour On Top Of The World prendra le Château de Snoop Dogg comme décor. 

En 1999 la communication de la chanteuse Cher s’offrira les services de la compagnie pour son concert Cher Live In Concert et surfe sur la vague du Bling Bling à la mode à ce moment là. 
Shot Callers pour l’album Ya Only Live Once aurait pu aisément faire partie du casting en rois de France débordant de luxe et de femmes arrivistes fasciné par la surenchère. 


15. Litefoot - The Life & Times (1998) Red Vinyl Records

Le rappeur native Litefoot vient de Tulsa, Oklahoma et se distingue du lot avec son album The Sounds Of Indian Country avec un décorum de réserve indienne et une tête de bison aux cornes diamantées. Il s’est fait connaître par le rôle de Nightwolf dans Mortal Kombat auparavant. Il sortira aussi l’album The Life & Times, où, on le voit sur la cover, trônant sur un fauteuil tout en diamants avec en miroir sa culture Native (entre deux mondes, concept d’opposition en miroir), avec des plumes d’un côté et des billets verts de l’autre, à l’image de la vie et la mort de l’album de C-Murder. Il y a également un feu indien, des montagnes et la lune montrant la nature profondément encrée de la culture indienne, avec en opposition une berline Mercedes. Il deviendra par la suite un acteur d’associations caritatives pour aider son peuple. 

Dans le registre diabolique la compilation Smoked Outt Records, Bussen Heads And Gettin’ Paid se pose là avec un diable furibond armé d’un pistolet tandis que la compilation Highlight Entertainment It’s Not A Game nous présente une échelle de jacob faite d’or pour y aller tout droit... au paradis. 


16. Zone The Tyrant - Abnormal (1999) The Diabolic Company Records

La cover de cet album est très particulière. Elle montre Zone The Tyrant, le rappeur de Clarkston, Georgie, qui tient une seringue. Dans le liquide on voit une tête de mort en miroir du visage du rappeur, le tout derrière un ciel violet psychédélique. Le rappeur sera assassiné justement à Atlanta à la sortie d’un club en 2003 en miroir de cette pochette. L’album, musicalement, est extrêmement hypnotique et possède une aura unique. On est véritablement plongé tout du long dans une sonorité sudiste très obscure et unique qui nous enveloppe complètement, avec une atmosphère surréelle. Un vrai bijou du Deep Down South tombé dans l’oubli. 


17. Three 6 Mafia - When The Smoke Clears (2000) Hypnotize Minds

Voici l’album couronnant les premiers succès mainstream du groupe de Memphis. C’est leur album possédant la couverture la plus Bling, mais moins encore que leur compilation Hypnotize Camp Posse. Cette cover représente l’après World Domination et The End. Après l’apocalypse, la fumée s’épaissit puis se dissipe, et on voit une ville brûlée dans le désert. Mais ce qui attire le plus l’œil c’est le combo DJ Paul & Juicy J, inséparables à l’époque, fondus en deux comme par magie dans une lumière blanche nacrée. Ce qui qui rend de son plus bel effet. Le concept de miroir et de dualisme en opposition a d’ailleurs souvent été utilisé notamment pour Project Playaz mais j’y reviendrai pour sa dimension spéculaire.

Rasheed de Houston, pour l’album Let The Game Begin, quand à lui se confrontera à un combattant tout droit sorti du moyen âge en armure. Young Buck (plus tard chez G-Unit) & D-Tay auront également une cover P&P, sur fond de château et créature mythologique en pierre pour l’album Thuggin’ Til The End en 2000, rappelant le Rock Solid de T-Rock. Dans le Registre des covers étranges, Agent Hook, avec l’album Stuck N Da Game, sera un soldat plongé vivant dans le sable mais un diamant subsiste heureusement. 


18. Reality - No Apologiez (2000) Revolutionary Records

Reality vient de Milwaukee, Wisconsin, autrement appelée "Killwaukee" pour son caractère meurtrier. Il s’est fait connaître par un précédent album, Federal Indictment en 1997, comportant un feat avec Ice T et Too Short, montrant ainsi la street credibility du rappeur. Néanmoins il affiche également un côté conscient et engagé avec le nom de son label, ainsi qu’un côté ésotérique d’ordre Kemetic avec le logo de son nom auréolé d’une pyramide avec un œil stylisé. On retrouve aussi l’hélicoptère et l’avion de chasse obligatoire dans toute bonne cover P&P et les immeubles en or, tel des cités d’or aux devantures ornées de ses logos et pyramides. Cet album ci contient des feat de Fiend, Kastro des Outlaws et MC Breed.

Shawn dira qu’il a fait parti des clients exigeants qui lui ont fait changer plusieurs fois de covers. Reality disparaîtra définitivement des radars et on a jamais su ce qu’il est devenu.


Dans le registre des covers bizarres :

L-Bow de Columbus, Ohio, avec son album The Mission, fait parti des cover au concept étrange où le rappeur se trouve avec les yeux blancs, dans une sorte de Nautilus au milieu des poissons et des corbeaux.
Keno Valentino, pour l’album Homegrown, use de son plus bel effet métamorphique et pousse comme de l’or arrosé par une belle plante.
Cheatin Death, de Psyclops, fait aussi partie des albums au concept diabolique ou le rappeur joue avec une créature de type Baphomet.

■ Le groupe Southern Sinn, avec Livin Hell N Da A.T.L, nous apparaît en nuages de feu avec leurs têtes fonçant sur la ville.
■ La previous cover de La Chat, Murder She Spoke, nous présentait deux faucheuses médiévales autour d’un pupitre où se distingue le logo diamanté de la faucheuse stylisée de son label Hypnotize Minds. 
T-Pop Da I-10 Juggla, sur Makin Moves, joue avec des boules dorées tel un magicien.

■ Les membres de Durdy Jack Lexx Ball, sur Comin’ Thru, apparaissent à bord d’une voiture volante rappelant les heures de Pluto.
Southern Kartel, avec As The World Goes Round, jouent avec une boule de bowling, en or évidemment
■ tandis que SGT Blac, sur Chapter 2 It’s Over, traîne avec des chaînes une terre sous cadenas avec des tanks au fond rappelant les tanks de No Limit Records.

■ Une cover prophétique à l’image de celle du groupe The Coup, avec cet album eponyme de Suicydal où le rappeur projette de se faire sauter avec des explosifs sur lui. La date de sortie était prévue le... 11 septembre 2001.
The Streets Won’t Let Me Go de Big Ren : effectivement la rue ne veut pas le faire partir car une main métamorphique en ciment sort de la route le retient avec un effet surréaliste. 
Treez 4 Life, sur la cover de Acting Bad Down South, posent devant un arbre magique fait de diamants.

The Black Ghost, pour The Crossroads Of Life, surgit sur une montagne.
Lil Flip, avec l’album The Leprechaun, se déguise en lutin irlandais arrivant au paroxysme de l’extravagance. 


La page de Pen and Pixel Graphics sur Facebook

La suite au prochain et dernier épisode !


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