Emotional Mane
Emo songs by Gucci Mane
, le 9 février 2016
Une sélection de chansons de Gucci Mane pleines d’émotion et remplies d’amour.
L’amour est un sujet qui semble tabou dans le rap de la rue, où il n’y a pas de place pour exhiber ses « faiblesses ». Pourtant on a pu assister lors de ces deux dernières années à la montée d’un rap qui s’affranchi des codes stéréotypés qu’il a pu subir. En effet, des rappeurs comme Future, Young Thug, Starlito, Young Scooter, Kevin Gates ou encore Z-Ro, pour n’en citer que quelques-uns des plus connus, vont mettre en avant une musique honnête, mélancolique, touchante. Bien que ce ne soit pas leur domaine réservé et que tout bon hustler qui se respecte conserve son côté arrogant, violent et même drôle, on observe une démocratisation de ces textes et mélodies qui viennent des entrailles.
Un rapide coup d’œil aux localisations des artistes cités plus haut et on s’aperçoit que c’est dans le Sud des Etats-Unis que se forme cette entité. Et c’est aussi dans ce Sud, dans la Zone 6 de la ville d’Atlanta, que l’on retrouve un étrange spécimen désormais autant connu pour sa musique que pour ses actes cartoonesques : Gucci Mane.
En 2010, sortant de prison, on assiste à un Gucci le sourire aux lèvres, heureux d’être sorti de six longs mois de prison, plein de promesses, goûtant enfin aux fruits de son succès commercial. Malgré cela, dès novembre de la même année Guwop recommence ses incartades et se retrouve à l’hôpital avec quelques charges en plus à son cas. Début 2011 il se retrouve interné dans un hôpital psychiatrique pour quelques temps. D’incohérences en incohérences, Gucci Mane renforce de plus en plus son personnage marginal, cornet de glace au visage.
Gucci Mane devient alors le Big Guwop qu’il a toujours voulu être. Car si l’argent n’est pas un problème et que l’on ne doute pas de la qualité de ses repas, un ventre comme le sien ne s’obtient pas qu’en mangeant et en buvant de l’eau. C’est alors toujours sous son vrai nom, Radric Davis, et à moins de dix ans, que le jeune Gucci Mane consomme déjà un pur produit du Sud : le lean.
Ce mélange fait gonfler la peau, confère une lenteur extrême qui s’assimile à une nonchalance toute aussi extrême, une désarticulation de la parole, et éloigne de la réalité. La description des effets secondaires de cette codéine mixée à la prométhazine pourrait tout aussi bien décrire le personnage Gucci Mane. Une branche de la culture du rap sudiste érige le sizzurp comme une sorte d’emblème de leur lifestyle, à l’image de UGK. Mais comme toutes les drogues c’est une relation d’amour mélangée à de la haine qui se forme entre son utilisateur et le produit.
Et de l’amour, Guwop en a.
Fin 2012, avec le premier opus de Trap God, une descente est amorcée, Gucci Mane est plus sombre, plus en retrait du rap game, puis s’enchaîne très rapidement la suite, Trap God 2 début 2013, et enfin ce qui conclura sa transformation : Trap House 3. La bombe auto-tunée Hell Yes, résonne dans tous les esprits, car ici ce n’est pas une énième métaphore de l’amour portée à la drogue personnifiée, mais bel et bien une déclaration d’amour sauce thug. Là encore, le rappeur a besoin de son sirop préféré pour se dévoiler et lâche dès la deuxième ligne : « I’m pourin’ up dark shit ».
Mais si Gucci Mane sait si bien rapper l’amour sur Hell Yes, il rappe aussi son amour pour la rue : son ex-femme dont il possède toujours les clefs et qu’il visite quelques fois. L’argent est aussi un de ses grands amours, avec le lean, les voitures, les armes automatiques, les diamants sur son poignet et les douleurs au cou qui accompagnent ses nombreuses chaines. La musique est aussi un de ses amours même s’il ne le fait pas paraître forcément dans ses textes, puisqu’il passe tout son temps en studio et investit beaucoup de son argent dans la musique.
En ces temps de printemps, succombez au charme d’un Gucci Mane émotionnel. Larme d’encre sur la joue, gobelet doublé à la main, il se transforme pour un temps seulement en Emotional Mane.
Article précédemment publié au printemps 2015 sur Cooking With Lulznix