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Focus

Drumma Boy Drum Sprung vol.1 (2002/2010)

Listen to the track bitch !

Jocelyn Anglemort, le 22 janvier 2018

Une sélection qui brosse la période 2002-2010 du producteur Drumma Boy, entre tubes intemporels et pépites plus confidentielles.

Bien qu’un rapide survol de sa discographie puisse laisser croire qu’il est originaire d’Atlanta, c’est pourtant la ville de Memphis qui a vu naître Drumma Boy, producteur indissociable de l’explosion du Dirty South à l’aube des années 2000. Et même s’il a quitté le Tennessee très jeune après avoir été viré de la fac, Il demeure l’un des plus grands défenseurs de l’Histoire de M-Town, notamment lorsqu’il s’agit de rappeler que sa ville natale n’est pas seulement celle du "robbin’, pimpin’, killin" dépeinte par Tommy Wright III, mais reste surtout le lieu où les efforts finissent par payer et où les rêves, même les plus extravagants, se réalisent. Après tout, d’où sont originaires les seuls et uniques rappeurs à avoir obtenu un Oscar ?

Cet attachement profond se matérialise par sa participation à la fin des années 2000 au documentaire Know Your History : Made In Memphis (ndlr : réalisé par K. Cutta) revenant, entre autres, sur le destin exceptionnel de Robert A. Church, premier millionnaire noir américain. Ce film se veut également une réponse à la vidéo VH1’s Hip Hop Honors : The Dirty South qui célèbre le rap sudiste en omettant étonnement la scène de Memphis, pourtant dense et incroyablement novatrice.

Cet amour pour la musique du Tennessee, Christopher James Gholson la doit, comme beaucoup, à ses parents . Avec une mère chanteuse d’opéra et un père clarinettiste (et premier noir à siéger au National Symphony Orchestra), le jeune Drumma Boy est initié très tôt à l’apprentissage du solfège et de divers instruments. A travers cette formation classique très pointue, il découvre l’histoire musicale colossale de sa ville natale, de la soul au rhythm and blues, et tombe sous le charme de la chanteuse de gospel Yolanda Adams, du saxophoniste Kirk Whalum et bien sûr de l’inévitable icône locale, Isaac Hayes.

Cette maîtrise instrumentale, il va la mettre à profit d’un autre de ses centres d’intérêt, le rap, en créant des édits des tubes de l’époque, Gin and Juice de Snoop Dogg ou les morceaux de Yo Gotti qu’il entend sur les radios locales par exemple. Plus concrètement, il se procure les acapellas puis recrée l’ensemble des pistes d’instrumentales dans sa chambre à coups de piano, violon, clarinette, et percussions diverses. Le succès de ses remixes est tel que l’équipe de basket de son école décide de les jouer en ouverture de match en lieu et place des titres originaux. Auréolé de cette petite notoriété, il rejoint le Memphis Youth Symphony Orchestra puis l’Université de Memphis pour poursuivre son apprentissage "classique" de la musique.

Parallèlement à ses cours et un peu fatigué de rejouer la musique des autres, il approfondit son travail de beatmaker autour d’instruments plus contemporains : Akai MPC 4000, Roland TR-808 et claviers Korg et Roland.

« Even playing Beethoven, Bach, all my life. It was starting to get boring to me, because I’m playing somebody else’s shit all my life. I can’t do that ».

Son style se caractérise par l’emprunt d’éléments rythmiques très variés aussi bien chez ses compatriotes DJ Spanish Fly, Juicy J ou DJ Sound que chez ses voisins texans Scarface ou Pimp C, qu’il combine ensuite avec une déferlante de cordes et de mélodies minutieuses issues de ses inspirations classiques. Ce talent précoce lui permet de placer plusieurs productions sur l’album Double Dose de Tela dès 2002 avant de séduire une autre géniale star locale, Gangsta Boo, pour qui il produit en grande partie Enquiring Minds II : The Soap Opera en 2003.

Viré de la fac l’année suivante en raison de son manque d’assiduité, il profite alors de sa notoriété grandissante dans le Sud pour investir les dollars accumulés grâce aux placements d’instrus dans son déménagement à Atlanta et la création de son propre label, Drum Squad Records. La ville est alors en pleine révolution crunk, Bia Bia de Lil Jon & The Eastside Boy se vend par camions et le monde entier commence à lorgner du côté de la Géorgie en attente de la prochaine next big thing. A l’instar des ronds-de-cuir du business, Drumma Boy sent que le futur se joue ici et sait que son jeune mais impeccable C.V. peut le mettre sur la voie du succès.

C’est ainsi qu’il se voit convié en 2005 à participer au premier album éponyme de Boyz N Da Hood, super groupe composé de Big Gee, Jody Breeze, Big Duke et Young Jeezy, et signé chez Bad Boy Record, aux côtés de ses idoles 8 Ball & MJG. Le succès du projet marquera le départ de Jeezy pour se consacrer à sa carrière solo, mais ouvrira surtout les portes de tous les studios d’Atlanta au producteur et à son célèbre tag "listen to the track, bitch".

Dès lors, Drumma Boy joue un rôle essentiel dans la démocratisation des différentes branches émergentes du dirty south. Tout d’abord grâce à Pastor Troy qui lui propose dans la foulée de produire trois titres de By Choice or By Force et le présente aux autres dépositaires des courants crunk et snap music bénéficiant d’un intense matraquage radiophonique ((Lil Scrappy, Lil Jon, Soulja Boy, Bone Crusher...) avec qui Drumma Boy abreuvera les strip clubs en hymnes lubriques. Parallèlement, un autre mouvement commence à faire parler de lui en Géorgie et s’apprête à connaitre une consécration mondiale inattendue compte tenu de la violence épidermique qui envahit ses textes, mais aussi des tragiques faits divers qui l’entourent et qui brouillent un peu plus la réalité et la fiction. Portée par trois de de ses personnages les plus charismatiques, Jeezy, T.I. et Gucci Mane, la trap remplace petit à petit les chansons de cul XXL de Lil Jon & co. par de sombres histoires de meurtres et de drogues à l’esthétique bien moins fluorescentes. Naturellement, cette violence exacerbée de la rime s’accompagne d’un durcissement de la production. Autour des légendes, Shawty Redd et DJ Toomp, Drumma Boy occupe alors un rôle essentiel dans le développement de ses instrus déchainés et synthétiques.

Jeezy - Drumma Boy - Gucci Mane
Source : BET.com

S’il multiplie les collaborations avec Jeezy (Let’s Get It : Thug Motivation 101, The Inspiration, The Recession), c’est surtout avec son ennemi mortel, Gucci Mane, que la synergie avec Drumma Boy est la plus prégnante. Mr. Zone 6, The Appeal : Georgia’s Most Wanted, la série The Cold War... Entre 2008 et 2010, Gucci Mane est en pleine frénésie productrice (ndlr : rien que pour l’année 2009 on ne dénombre pas moins de 2 albums studio et 9 mixtapes gratuites de Guwop) et Drumma Boy tient le rythme en produisant bon nombre de ses projets. En augmentant le tempo de ces instrus, il contraint le rappeur a hausser son niveau jusqu’à atteindre un stade où plus personne ne peut contester son statut de Trap God. Totalement investi dans son personnage cartoonesque aux narines congestionnées, il délivre alors certaines des meilleures cuvées de sa généreuse carrière. De leurs côtés, les productions de Drumma Boy, régulièrement épaulé par Shawty Redd et Zaytoven, sont véloces et techniques comme un riff de heavy métal, débordent d’orgues groggy et paraissent tout droit sorties d’un jeu vidéo rétro-futuriste. Avec The Burrprint (The Movie 3D) sorti en 2009, les deux compères démontrent au monde, tel Nikola Tesla, la supériorité du courant alternatif sur le courant continu et clôture la trilogie The Movie sur un "prestige" à la hauteur du tour de magie annoncé.

L’autre grande force de Drumma Boy, c’est sa capacité à travailler aussi bien avec des artistes plutôt confidentiels mais qu’il adore (Kingpin Skinny Pimp, Gorilla Zoe, OJ The Juiceman, Playa Fly), qu’avec des stars mondiales de la pop (Usher, Monica, Chris Brown) tout en gardant son identité. Cette maitrise du grand écart et l’aspect "transrégional" de son travail - on le retrouve aussi bien en Californie avec E-40 ou Snoop Dogg qu’à Miami en compagnie de Rick Ross - participeront à l’incursion et la démocratisation des sonorités trap dans l’ensemble du prisme de la musique actuelle, tout en continuant à faire émerger les jeunes pousses locales, dont Young Dolph, 2 Chainz au sein de Playaz Circle ou encore Gunplay chez les Triple C’s.

Avec son style chevaleresque et grandiloquent idéal pour sonner la cavalerie tel le lieutenant-colonel Kilgore fonçant sur l’ennemi, Drumma se retrouve impliqué dans les gros blockbusters sudistes de la deuxième partie des années 2000 (Paper Trail de T.I., Trilla et Deeper Than Rap de Rick Ross, The State vs. Radric Davis de Gucci Mane). Fidèle à ses origines et à ses amis d’antan, il continue en parallèle à participer à de géniaux projets moins clinquants issus de son Tennessee natal, à l’image de The Rumors par Gangsta Boo et DJ Drama (sorti en 2009) ou du Cut Throat de Juicy J et Project Pat (sorti en 2010) .

La sélection que l’on vous propose ici s’achève en 2010, plus précisément dans les studios Patchwerk d’Atlanta réservés pour célébrer la sortie de prison d’un Gucci Mane qui ne se donnera même pas la peine de repasser chez lui entre la Fulton County Jail et la cabine où l’attend une ribambelle de beats, donc celui de l’un de ses plus grands morceaux, Normal, composé par Drumma Boy. Au milieu de la cohue suscitée par les festivités, le jeune rookie du 1017 Brick Squad, Waka Flocka Flame, s’attaque lui à une autre de ses productions, No hands, pendant que son acolyte Lex Luger fignole leur futur album Flockaveli, révolutionnant sans doute sans le savoir le son d’Atlanta pour les années à venir. Une fois les couplets enregistrés, les bouteilles vides et les cendriers bien remplis, Drumma embarquera avec lui, Guwop et Waka pour s’attaquer à un projet qui lui tient à cœur et qui verra le jour en 2011, Ferrary Boyz.

« I make beats off of my emotions, and that night I was just so relieved and so happy to see all of us together. It was almost like a family reunion — you and all of your favorite guys in one studio making history ».

On vous en reparle bientôt…

Télécharger le mix


Liste des piste :

  1. DJ Drama - Gotta Get It (Feat. B.G., Juvenile & Soulja Slim)
  2. U.S.D.A. - Go Getta (Remix)
  3. Rich Boyz - The Hood Been Good To Us (intro)
  4. Gorilla Zoe - Lil Shawty
  5. Plies - I Chase Paper Plies
  6. Young Buck - Let Me Go
  7. Gucci Mane - Gross
  8. Juicy J & Project Pat - Take Whats
  9. 2 Chainz - Boo (Feat. Yo Gotti)
  10. Plies - Watch Dis
  11. Waka Flocka Flame - No Hands
  12. OJ Da Juiceman - Touchdown
  13. 8Ball & MJG - Ten Toes Down
  14. Rocko - Goin Steady
  15. Gucci Mane - Normal
  16. Gangsta Boo - M.E.M.P.H.I.S
  17. Rocko - Umma Do Me
  18. Young Dolph - Flavor
  19. Lil Jon - Throw It Up Part 2 (Remix Feat. Pastor Troy)
  20. Pastor Troy - I Represent This (Can I Get a Witness)
  21. DJ Drama - 187 (Feat. Project Pat, B.G, 8Ball & MJG)
  22. Gucci Mane - Watch Cost A Bently (Feat. Bun B)
  23. Young Jeezy - Hustlaz Ambition
  24. T.I. - Ready for Whatever
  25. Gorilla Zoe - Crack Muzik (Feat. Jody Breeze)
  26. Gangsta Boo - Sippin & Spinnin
  27. Scarface - Never

Texte et mix : Jocelyn Anglemort
Cover : Dirty Noze


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