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Albums/Mixtapes

DJ Quik & Problem Rosecrans

Compton’s Finest

Date de sortie : 20 avril 2017

Tibo BRTZ, le 11 mai 2017

15 ans les séparent, pourtant l’alchimie est bien réelle entre DJ Quik, le "Most Complete Artist", et Problem, le MC de Compton.

Problem est un sacré veinard : il a réussi à bosser avec DJ Quik sur 2 projets, le EP Rosecrans, sorti le 4/20 de l’année dernière, et Rosecrans, l’album, sorti pile un an plus tard. Le rappeur de Compton, né en Allemagne de l’Ouest en 1985, affirme même qu’avoir l’occasion de se retrouver en studio avec Quik a été une bénédiction. Pourtant, il a déjà collaboré avec de grands noms tels que YG, E-40, Jamie Foxx, Kendrick Lamar, Snoop Dogg, Pharrell Williams et bien d’autres. Mais DJ Quik est une légende, il est toujours très occupé, et si beaucoup d’artistes gravitent autour de lui depuis longtemps (Suga Free, AMG, 2nd II None, HI-C…), quasiment aucun n’a eu le privilège de partager l’affiche sur tout un projet avec le maître. On se rappelle néanmoins de la tentative avortée de The Fixxers, duo éphémère formé par Quik et AMG, et de l’album BlaQKout avec Kurupt, sorti en 2009. A l’occasion de la sortie du EP Rosecrans, Problem explique comment il voit les choses :

« Si Kendrick est avec Dre, moi je suis avec Quik. »

Les deux californiens se rencontrent pendant l’enregistrement de l’album Ego Trippin’ de Snoop, sorti en 2008. Ils accrochent rapidement et se retrouvent vite en studio ensemble, où apparemment tout se passe dans la plus grande spontanéité : ils travaillent facilement, se comprennent bien et passent du bon temps. Quik cuisine des beats et des linguine, Problem rappe, apporte sa touche sur les drums, et parfois pousse son collègue dans ses retranchements. Le plus dur aurait été de convaincre Quik de rapper. Son dernier album, The Midnight Life, date de 2014, et il avait décidé de laisser tomber le micro. S’il s’est laissé convaincre, ce n’est surement pas par hasard :

« Je suis dans le game depuis 25 ans. Je suis considéré comme une légende maintenant, donc je suis plus relax et Problem est comme cette jeune Ferrari qui fonce, et ça te motive forcément. (…) Il a une vision. Ce n’est pas juste son énergie. »

Découle donc de cette fructueuse collaboration, un premier EP en 016, Rosecrans, aux délicieuses saveurs g-funk, où l’on reconnaît immédiatement la patte de DJ Quik, avec en plus ce punch considérable qu’apporte le flow de Problem. Aux 6 titres sortis l’année dernière s’ajoutent 6 nouveaux morceaux.

On y retrouve le vétéran de la côte ouest MC Eiht sur deux titres, prouvant que la hache de guerre est profondément enterrée. L’album s’ouvre et se ferme avec la garde rapprochée de Quik, représentée ici par Suga Free et AMG. Le large panel de featurings compte aussi des stars, The Game et Wiz Khalifa, des artistes plus jeunes ou moins exposés comme Boogie, Dom Kennedy ou encore Bad Lucc, ainsi que des chanteurs (Brittany Barber, Bryan J …).

Rosecrans, du nom d’une des grandes rues qui traversent Compton d’un bout à l’autre, sent fort la west coast. Les claviers funky, les claps secs et les basses rondes, mêmes les petits scratchs typiques des productions Quik, tout y est.
On y trouve le traditionnel morceau instrumental des albums de David Blake, caché après le tube A New Nite, qui nous rappelle qu’on écoute bien un projet abouti, pas une mixtape de fonds de tiroir ou une compilation de prods balancées à un MC.

On a le droit à de la sauce quikienne traditionnelle, funky à souhait, sur quelques morceaux (A New Nite, Bad Azz, Funny How Niggas Gon Change Things), et c’est franchement réussi. A New Nite, sans doute le gros hit de cet album, est une reprise plus ou moins déguisée de Tonite, classique éternel de l’époque curly hair, histoire de boucler la boucle.
Il y a aussi cette sauce plus moderne u Quik des années 2000, moins sirupeuse et plus saccadée, comme sur les titres European Vacations avec AMG et This Is Your Moment avec Wiz Khalifa et Buddy. DJ Quik traverse le temps, et réussit à rester fidèle à ses bases sans tomber dans le vintage.
Problem a 15 ans de moins que lui et les ambiances évoluent en adéquation avec son époque, sur des BPMs qui oscillent entre des rythmes trap et ratchet (Move Something, Take It Off Your Time). Si les variations de tempo font bien bouger la tête, on pourrait presque regretter certains refrains chantés, pas toujours très efficaces.

Les amateurs de sonorités laid back sont généreusement servis, avec des tracks aux samples soul chaleureux, (Rosecrans, Central Ave), parfois bien grillés aussi (You Are Everything, Straight to The City), ou riches et enveloppants, comme ce Chachi’s Ride qui pourrait faire penser à une balade de Devin The Dude. Les curieux écouteront le bonus caché, au refrain autotuné pas forcément indispensable.

Le flow technique de Problem contraste avec le rap élastique de Quik, leur association au micro est efficace, et on sent une vraie émulation pendant les séances. Les thèmes abordés restent classiques, entre odes à Compton, références aux Bloods, messages subtils à la gente féminine, allusions à la bonne vie (weed, fête, ride…). Rien de révolutionnaire, mais le ton reste plutôt enjoué et convivial : ce n’est pas la bande son idéale pour se préparer à monter sur un ring, mais plutôt, et comme quasiment systématiquement avec DJ Quik, pour ambiancer un barbecue ensoleillé en bonne compagnie.

Malgré quelques petits défauts, Rosecrans fonctionne très bien. Il fait bonne figure dans la copieuse discographie de DJ Quik et devrait renforcer la progression de Problem sur l’échiquier du rap jeu.

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