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Albums/Mixtapes

City Morgue Toxic Boogaloo

You gon’ need prosthetic legs…

Date de sortie : 31 juillet 2020

Mugen le druide, le 24 août 2020

Le rap de la grosse pomme se porte bien. L’ouragan drill n’a pas faibli malgré la disparition tragique de son porte-étendard Pop Smoke. Les Sheff G, Sleepy Hallow et autres Fivio Foreign ont pris le relais avec détermination. Il y a aussi le jeune rookie Lil Tjay qui affole les compteurs et qui vient juste de faire son entrée dans la liste des freshmen’s de XXL. Mais si on veut faire un tour complet de l’état du rap new-yorkais, il serait bien ambitieux de ne pas citer City Morgue dans la conversation…

Style très différent de la drill ou du boom-bap, la musique du duo est reconnaissable aux premières notes même pour l’auditeur néophyte. Cet hybride entre trap, influences rock et imagerie punk fait des ravages pour les fans d’une musique qu’il est encore difficile d’étiqueter. Certains disent trap metal, d’autres punk-rap. Le terme exact doit se trouver entre les deux. La plupart des gens semblent bien s’accorder avec ses deux termes et c’est ce qui compte. Ce qui sort des enceintes et qui ne rentre dans aucune case, c’est une musique avant tout portée par son énergie. Comme à la grande époque d’un Waka Flocka survolté sur des prods de Lex Luger, on apprécie un bon morceau de City Morgue en remuant la tête comme un forcené. Et ce qui sonnait trap à l’époque (avec mêmes des influences crunk sur les refrains de Flockaveli) avec son lot de 808 et de basses surpuissantes n’est finalement pas très différent au niveau des productions. Saturez encore un peu le son, rajoutez-y des gros riffs de guitares électriques et vous aurez un résultat semblable aux productions favorites de Sos Mula et Zillakami.

Après deux premiers projets couronnés d’un relatif succès, le duo new-yorkais City Morgue revient avec un nouvel opus baptisé Toxic Boogaloo. Un projet qui sort à une époque un peu chaotique puisque le groupe a déclaré ouvertement vouloir cesser toute collaboration avec leur maison de disque Republic Records. L’occasion donc de balancer un projet un peu moins travaillé, qui est plus de l’ordre de la mixtape que du vrai album agencé au millimètre comme pouvait l’être As Good As Dead. Zillakami a rapidement évoqué les raisons des bisbilles avec la maison mère de leur label Hikari Ultra : des featurings imposés semble-t-il, et surtout le sentiment désagréable de devoir faire des concessions, aussi infimes soient-elles. Ce projet est donc une manière expéditive de mettre fin à leur contrat en bonne et due forme et de retrouver leur statut d’artistes indépendants.

Toxic Boogaloo est donc le reflet de ces derniers mois de frustrations artistiques et nos deux trublions en ont profité pour revenir avec un projet ultra explosif, avec une démarche qu’on sent extrêmement spontanée. Ici pas de titres emo / grunge pour plaire à un public plus large. On revient aux fondamentaux, aux sonorités qui étaient présentes à la naissance du groupe : des prods trap saturées, des guitares ultras bruyantes, de la violence pure en intraveineuse. Pas de discours sur le mal-être, la dépression, ni les moments de doutes. Dès les premières notes de The Electric Expérience (la première chanson) on sait où on met les pieds. La devise aboyée par Zillakami sur « Yellow Piss » pourrait à elle seule résumer cet EP de 10 titres : « life short death long so whatever ». Que ce soit sur « Crank » ou le très drôle « You can SMD » (un solo de Zilla) on ressent bien l’envie de tout exploser.

Un EP qui est aussi l’occasion d’envoyer des piques acérées au plus grand clown de l’histoire du rap, un rappeur aux cheveux multicolore dont l’auteur de ces lignes met un point d’honneur à ne pas citer le nom, tel Voldemort dans Harry Potter. Dans « Buakaw », Sos Mula ne laisse aucune place à la supposition :

« Who told you to dye your hair and get all your face tatts ?
All my ideas niggaz tryna take that.
My shotters got 5 years he aint even say jack
This my year you can get your face cracked
 »

Ce même Sos Mula qui est (injustement) vu par une partie des fans de City Morgue comme le maillon faible du groupe, a prouvé avec deux solos sur ce projet qu’il n’avait rien a envier a Zillakami. Sur « Yakuza », un titre d’à peine deux minutes, le rappeur aux origines brésiliennes fait parler la poudre comme rarement on a entendu. Avec un court pont qui fait office de refrain, composé de quelques rimes et d’un simpliste mais diablement efficace « skurt skurt » scandé avec l’intonation d’un patient enfermé contre son gré dans un hôpital psychiatrique… S’il devait y avoir un vrai Joker à Gotham City, nul doute qu’il serait incarné par Vinicius Sosa. Fou, malsain, avec un amour pour les explosifs qu’aucune personne dotée d’empathie ne serait capable de développer. Ce cerveau malade rongé par le pouvoir machiavélique des armes à feu est capable de prouesses incroyables quand une prod l’inspire plus que les autres. Dans ce cas précis, la prod de « Super Soaka » irait parfaitement dans une scène de drive by d’un film de Rob Zombie. Sos Mula rappe ses rimes comme les onomatopées d’une bande dessinée. Résultat des courses elles explosent dans nos tympans comme des balles de Sig Sauer dans un crâne innocent. On perd des neurones par kilos, mais c’est absolument jouissif.

« Blocka, blocka, Super Soaker (Boom boom)
Chop a top and Super Soak ya’ (Boom boom)
Hot lava, Ruger roast ya’ (Boom boom)
Rottweiler, chew your shoulder (Doo-doo-doo-doo-doo-doo-doo)
Uwop, smoke ’em, smoke ’em (Boom)
Rooftop, throw ’em over
 »

En bref, ce projet de City Morgue ravira les fans, c’est une certitude. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le groupe, c’est une bonne manière de découvrir leur musique sans investir trop de temps. Les titres les plus longs font 2 minutes, si bien qu’on écoute le projet entièrement en 20 minutes montre en main. C’est court, bruyant comme un train qui déraille et ultra efficace.

PS : on a aussi très hâte de réécouter « Prosthetic Legs » une fois plongé dans le monde virtuel de Cyberpunk 2777

Toxic Boogaloo est disponible sur toutes les plateformes de streaming : https://citymorgue.lnk.to/TOXICBOOGALOO


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