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Focus

Domani n’est pas qu’un "fils de"

Mon papa à moi est un trapper

Napoléon LaFossette, le 8 mars 2017

Le mois dernier, Marquise Jackson faisait du bruit sur les sites people, lorsqu’il lâchait son tout premier balbutiement musical sur SoundCloud. Profitant ainsi de son statut de fils de 50Cent (et de son envie de tuer le père) pour faire du bruit dans le vide. Tandis que pendant le même temps, un autre enfant de star du rap, plus jeune, plus sobre et plus talentueux, en profitait pour commencer la promo de son (déjà) second projet. Ce gosse, c’est Domani.

Lui, il vient d’Atlanta. Le meilleur centre de formation du rap nous a encore sorti un génial milieu de terrain de sa Masia : ce garçon a un potentiel aux limites sûrement floues, mais assurément lointaines. Trêve d’effets d’annonce : nous vous invitons à faire connaissance avec lui.

Qui est Domani ? Pour commencer, évoquons son âge. En mars 2017, il fêtera ses... seize ans. Vous le sentez le coup de vieux quand on vous parle d’un gros espoir du rap/r’n’b né sous George W. Bush ? Et pourtant, aussi jeune soit-il, évitons les comparaisons hâtives : c’est un anti-Chief Keef et un anti-Justin Bieber à la fois, pour prendre deux exemples récents d’ados au buzz en forme de tractopelle. Si enfant-star il doit devenir, ça sera dans son propre style.

Un nouveau-venu dans la lignée des rappeurs-chanteurs.

Anti-Chief Keef, pourquoi ? Déjà, pour l’aspect musical. Domani est de la tradition de ceux qui trainent avec des rappeurs, font des visus de rappeurs, mais penchent quand même énormément du côté du r’n’b. Ainsi, son The Process EP libéré au milieu de l’été dernier donne beaucoup plus l’occasion de l’entendre pousser la chansonnette (ou simplement d’élever légèrement la voix) qu’autre chose. Ce premier projet étant travaillé avec l’aide de DJ Frank White (de l’écurie Hoodrich Entertainment), à qui la direction artistique du projet doit sûrement quelque chose. Toutefois, un morceau comme Black Lives Matter, qui conclut le projet, est tout ce qu’il y a de plus rappé. Avec un aspect lyricalement intéressant, bien que la probabilité qu’il ait été ghostwrité n’est pas à exclure (vous comprendrez pourquoi dans les prochaines lignes).

Sur I’m on now, Domani expose la maitrise de sa voix précoce (et déjà très efficace) afin de revenir sur les prémices du succès et l’arrivée des premiers fake friends. Un morceau tout ce qu’il y a de plus classique en soi, et probablement un peu exagéré, mais donnant au moins sur la forme l’occasion de s’adonner à un exercice de style réussi sur une sympathique production de Zayman et D Sims (deux compositeurs au passif encore plus maigre que le sien). Un extrait de l’EP que l’on retrouve également sur la tracklist de H.G.O.E, mixtape du Hustle Gang (émanation de Grand Hustle Records) au milieu d’autres jeunes prometteurs comme Lotto Savage et de grosses têtes à la Young Thug.

Un anti-Chief Keef pour une autre raison aussi : Domani n’est pas un gosse de la rue. Ni des classes moyennes façon Lil’ Yachty, au demeurant. Explications.

Daddy has some tips for you

Le temps passe vite et l’évolution de la musique - en particulier dans le Sud - nous fait perdre sa notion. Nous fait également oublier que cela fait désormais quatorze ans que la trap music existe officiellement. Depuis 2003, et l’album Trap Muzik de Cliffore Joseph Harris Junior, dit T.I., le genre a donc déjà quitté l’enfance. Pourquoi en parler ici ? D’abord parce que Domani vient d’ATL, se permet de rapper à l’occasion, et qu’on trouve dans ses producteurs quelques noms associés à la scène classique de la ville. Son r’n’b laisse donc un léger goût de dope music au bout des lèvres. Et surtout pour rappeler qu’en cette année 2003, le garçon avait deux ans. Oui, Domani Harris avait deux ans lorsque son paternel a sorti cet album : car Domani est le fils de Tip. D’ailleurs, il y a quelques années, dans T.I. & Tiny : The Family Hustle, soit le reality show familial, il disait vouloir rapper à l’avenir. En voilà un qui tient ses promesses.

Et le gosse ne cherche pas du tout à se faire connaitre dans le sillon de son père. Son style bien à lui l’atteste. Surtout, il est de cette école des enfants de célébrités qui cherchent avant tout à s’affranchir de leur nom, et à "se faire un prénom" comme le dit l’expression consacrée.

I went from being known as T.I. son
To I’m D-O-M-A-N-I earn my spot !

Cette phrase, affirmée sur le track All about Domani, produit par London on da Track et sortie en 2014, semble être le motto du gamin. L’ambivalence de son rapport à la réussite artistique de son père se retrouvant malgré tout dans la diffusion d’un épisode du reality show familial portant le même titre... onze jours avant la sortie de son EP inaugural.

Et s’il est un anti-Justin Bieber, c’est pour l’aspect marketing. La volonté d’indépendance vis à vis de son père semble être réciproque. Ainsi, le papa ne semble pas avoir offert des moyens considérables au fiston pour qu’il puisse développer sa carrière. Certes, il a des clips de bonne facture, s’assure évidemment une fanbase de par son affiliation généalogique, et de facto bénéficie des conseils avisés et du réseau paternel. Mais, il n’y a qu’à regarder la liste des producteurs de son dernier projet, ainsi que l’absence de référencement de ses lyrics sur Genius, pour supposer qu’il n’y a pas derrière lui une armada pavant comme les meilleurs artisans de Lisbonne les chemins du succès devant lui. En fait, son manager n’est autre que l’ex-femme de T.I (qui est accessoirement sa mère), LaShon Dixon. Une dame qui s’avère loin d’être une Debra Antney en puissance, puisque son expérience dans le management se limite à la gestion de la carrière de ses enfants.

From Atlanta to Atlantis

Une demi-débrouillardise amenant Domani à ne pas gâcher les munitions qu’on lui offre. Ainsi, le seul morceau de The Process EP composé par un beatmaker ayant déjà placé ses travaux sur des projets majeurs (MP808 de la Mafia, à qui l’on doit Seven Rings et en partie Poppin Tags de Future ou encore On The Regular de Meek Mill) est un petit bijou à l’échelle du buzz du jeune homme. Qu’il a poli bien comme il faut, faisant preuve d’un certain charisme nonchalant, relativement amusant et étonnant pour un morceau sorti de la bouche d’un si jeune artiste.

Mais, pourquoi ne parler que maintenant du jeune Domani ? Tout simplement pour son actualité. Le 10 mars prochain, le gamin balancera sur les Internets la mixtape Constellation, à six jours de ses seize ans. Un projet astral pour une pochette toute aussi étoilée, dont est extrait l’intéressant Paris (en featuring avec London Jae de la Bankroll Mafia). Un morceau relayé par Fader, à qui il en a profité pour confier : « I want people to just enjoy the music and put aside what they expect me to sound like, look like, be like because of my background. »

Alors, décollera-t-il avec Constellation ? Rien à l’exception de son talent ne permet encore de l’affirmer, mais la côte si élevée. Et de toute façon, le temps ne presse pas vraiment pour Domani. Attention malgré tout, les histoires d’ados cherchant à suivre les traces de leur père et poussés par leur mère pour y arriver n’ont pas toujours été gages de grandes réussites. Rappelez-vous du petit Namond dans The Wire (mais si, vous savez, le fils de Wee-Bey). Toutefois, T.I Junior a vraiment l’air de vouloir réussir dans le même domaine que son père, alors tout ce qu’on peut lui souhaiter est un destin plus enchanté. Affaire à suivre.


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